“ So you can drag me through Hell If it meant I could hold your hand And you can throw me to the flames ”
Veldamir Aaltonen
░ 323 ans ░ ♂ ░ hybride ░ moine ░ Pays des naïades ░ élémentaire ░
Peau : Blanche, mais qui brille au soleil░ Taille : 5’7 ░ Corpulence : Légèrement large, un peu musclé ░ Cheveux : Courts et noirs ░ Yeux : Bruns ░ Forme non-humaine : Aucune ░ Signe(s) distinctif(s) : Une cicatrice très visible sur son bas-ventre et une beaucoup plus pâle autour de son cou. Il a aussi une jambe de métal, sa jambe gauche, qui est amputée à partir du genou.
∞ Caractère
Vel est un homme très amical qui aime l’humour noir. Il n’a pas peur de se moquer de quoi que ce soit, en fait, il ne croit pas qu’il y ait un sujet qui est tabou à l’humour. Ses blagues sont heureusement surtout portées sur lui-même, ce qui peut cependant rendre certaines personnes mal à l’aise quand il emprunte des sujets sensibles. Rire de ses blessures n’est pourtant qu’une façon de l’aider à se sentir mieux avec elles. Il est social au point de traiter des gens qu’il vient de rencontrer comme de vieux amis. Sa sociabilité s’accompagne de son habitude naturelle de draguer tout ce qui bouge et qui lui en donne la possibilité. Il n’est jamais sérieux lorsqu’il fait ça, même s’il peut être assez intense et inconfortable pour autrui. Vel est aussi mature et intelligent. Il sait qu’il a des problèmes, et il n’essaie pas de le nier. Il comprend très bien comment ses « obsessions » fonctionnent et sait qu’elles ne sont pas saines, donc il évite du mieux qu’il peut d’agir dans leur sens. Veldamir est courageux, presque téméraire, amical, presque envahissant, rieur, presque insultant.
∞ Histoire
18+ Déjà lue et validée par Ariel et Marie-Michelle:
Deux jumeaux en parfaites santé, nés dans la famille atypique, néanmoins irréprochable, d’une naïade et de son compagnon humain. Classe moyenne, à la limite de la richesse. Un amour sans limite entre les parents et pour leurs nouveaux enfants. C’était un portrait idéal, oui.
Veldamir ne se rappelle pas de cette vie qu’il n’a jamais vécu. Ses deux parents modèles sont décédés avant même qu’il n’ait pu apprendre à reconnaître leurs visages. Il ne connut même pas la terre naïade, sa terre natale. À la mort de ses géniteurs, ils furent adoptés, lui et son frère, par leur grand-oncle Manson, leur seule parenté, qui vivait à l’est-centre de l’Empire sylvestre, et ne furent plus jamais mis en contact avec ce qui aurait pu avoir été leur réalité.
Manson était plus riche que leurs parents, beaucoup plus riches. Il n’était pas noble, mais il vivait dans un castel. Il n’était pas bourgeois, mais il avait des assiettes en or et assez d’argent pour que les deux frères aient chacun une chambre, un lit de dix enfants de large, une bibliothèque et une collection de jouets à faire pâlir de jalousie les fils des quatorze familles. Vel ne connaissait pas les raisons d’une pareille opulence. Il savait que son grand-oncle avait quelque chose qui ressemblait à un zoo, ou plutôt un cirque, quelque chose de merveilleux, et que beaucoup de gens payaient pour venir voir les magnifiques bêtes en cage. Ça faisait briller les yeux des enfants, alors Veldamir savait que grand-oncle Manson était un homme bien. Il était un peu absent, mais il s’arrangeait toujours pour que ses neveux aient ce qu’ils désiraient. Puis, parfois, Manson les amenait à la mer ou en campagne. C’étaient des petits voyages familiaux, où il n’y avait qu’eux trois qui partaient pendant parfois des semaines entières. Manson était quelqu’un de bon, qui aimait les jumeaux, presque comme les enfants qu’il n’avait jamais eus.
De l’autre côté du tableau, il y avait Belial, le cadet. À l’heure du coucher, Veldamir retournait toujours en courant sous les draps de son petit frère, ce que Manson n’empêchait pas. Ils se lavaient ensemble, dansaient ensemble pour les bals, passaient leurs journées ensemble. Belle, c’était mon jumeau, ma moitié. Mon meilleur ami. Mon fils. Sans lui à mes côtés, je n’étais pas réellement moi. Les deux étaient indissociables. Ils protégeaient l’autre des bêtises qu’il faisait. Ils se surveillaient avec l’attention d’un parent. Ils faisaient preuve d’une extrême maturité par rapport aux besoins de leur demi. Belle mouillait encore ses draps à huit ans. Il grimpait dans mon lit en pleurnichant de honte, et je m’attelais avec un sourire à l’aider à cacher le méfait. Il était si fatigué après cela qu’il ne quittait plus mon lit. Et parfois, on se faisait un fort avec des couvertures et des oreillers, et on y passait la nuit. Les servantes les adoraient pour leur calme et leur obéissance. Les tuteurs, pour leur politesse et leur intelligence.
Ils étaient tous les trois heureux. Ce n’était pas un portrait idéal, c’était atypique, mais c’était d’une beauté pure.
La beauté. C’est ce qui coûta cher à Belial et Veldamir.
Parce qu’ils étaient beaux. Terriblement beaux. Deux beaux petits modèles qui, à leurs douze ans, avaient cette magnifique apparence androgyne propre aux enfants. Beaux comme les animaux de la foire de Manson. Beaux à faire briller les yeux, mais pas ceux des autres enfants, non, c’était une autre sorte de lumière qu’ils allaient faire naître dans les iris. Manson avait une foire le jour, que Veldamir connaissait, des combats de bêtes la nuit, qu’il avait appris à connaître, mais qu’il avait rapidement pardonné, et quelque chose de lubrique entre les deux portions.
Veldamir avait été mis en contact avec ce genre d’attractions, jeune, pas plus de cinq fois, assez pour qu’ils finissent par les considérer comme normales. C’était une forme de pornographie théâtrale, où des acteurs s’engageaient dans des activités normalement intimes sur scène. D’autres personnes, généralement des nobles, payaient fort prix pour y assister. Manson avait expliqué à Veldamir que c’était une action naturelle, que c’était beau, humain, la forme ultime de confiance et d’amour qu’on pouvait offrir à quelqu’un. À force de se le faire dire, il avait fini par y croire. J’étais con, comme n’importe quel enfant.
Un soir de janvier, son grand-oncle le convoqua à son bureau. Veldamir aimait beaucoup être convoqué. Normalement, quand il l’était, c’était pour être félicité de ses améliorations scolaires, ou pour qu’on lui propose une activité en famille, par exemple, aller voir les dragons multicolores de l’ami de son oncle, ou encore aller nager au lac. D’ailleurs, janvier, c’était une date proche de leurs vacances habituelles, non? Il salua son oncle d’un sourire innocent.
« — Qu’est-ce qu’il y a, mon oncle Manson? — Il se passe qu’il me manque d’argent pour le voyage de cet été. Je pensais vous faire travailler pour moi, Belial et toi. Je lui en ai déjà parlé. Ça me rendrait vraiment service. »
Il avait toujours pensé que les dépenses de son oncle n’étaient pas si hautes. Veldamir ne voulait pas être un poids pour celui qu’il considérait presque comme un père.
« — Je comprends, acquiesça-t-il, qu’est-ce qu’on peut faire? »
Il s’imaginait laver les cages, ou aider à la maison. Mais Manson avait déjà des plans à l’esprit.
« — J’ai un programme auquel j’aimerais que toi et ton frère participiez, dès la semaine prochaine. Vous êtes de beaux jeunes hommes, des jumeaux, en plus, vous pourriez être un vrai succès. Vous allez devenir ma nouvelle attraction. »
Je ne comprenais pas. Ça aurait été mieux si je n’avais jamais compris.
« — Vous allez faire l’amour devant le public. »
Il eut un rire nerveux, pensant, espérant peut-être que c’était une mauvaise blague, mais le regard de Manson était extrêmement sévère. Il était sérieux.
« — Si tu le fais, Veldamir, nous allons pouvoir partir en voyage, cet été. Tu ne voudrais pas décevoir Belle, pas vrai? »
Non, bien sûr que non ! Il ne voulait pas les décevoir. Il ne voulait pas être un poids pour Manson, lui qui leur avait tant offert… Qui continuerait à nous offrir, mais le conte de fée était fini. Les voyages, les cadeaux, plus jamais je ne serais capable de les apprécier en sachant qu’ils étaient tachés de cette horreur.
Mason les convoqua le soir même. Il n’était pas un imbécile, il n’allait pas jeter deux enfants sur une scène alors que ceux-ci ne connaissaient pas leur texte. Je me rappelle encore de ses mains beaucoup trop grandes qui ouvraient les cuisses de mon petit frère, de son regard vide de désir. C’était une action pour son entreprise, c’était motivé par son avarice, pas sa luxure. Il m’expliquait comment faire, et moi, je pleurais et tremblais. Je ne voulais pas. Je ne voulais pas! Je ne voulais pas toucher à mon frère, comme ça! C’était mal, je me moquais de ce qu’il disait, ce n’était pas de l’amour! Mais je n’étais pas capable de lui dire non…
Ce fut ma première fois.
Entre les cuisses de mon jumeau, les mains de mon oncle sur ma croupe pour régler mon rythme, et sa grosse voix qui m’ordonnait d’arrêter de chialer Je devais être situé entre le viol incestueux et la prostitution, question mauvaise première fois.
Il se sentait tellement honteux. Il voulait oublier, partir. Il voulait que ça devienne un souvenir effacé de son adolescence et qu’ils n’en reparlent plus jamais. Il s’écrasa, dos contre le mur du corridor qui menait au bureau, et regarda Belial qui se tenait debout devant lui, avant de couper le contact visuel. Il n’était pas capable de le voir alors que les seuls souvenirs qui lui venaient à l’esprit, c’était ça. Il sentit la main de son jumeau se poser sur son bras, probablement pour être une caresse rassurante, mais il le repoussa. Je ne pouvais pas vivre sans lui il y a quelques heures de cela, pourtant, sa présence désormais faisait hérisser le poil sur mes bras et me donnait une profonde envie de vomir. J’avais perdu une partie de ma vie. J’avais définitivement perdu mon enfance.
La semaine d’après arriva et, avec elle, le premier travail. Il aurait refusé, la première fois l’avait traumatisé, mais il aimait son oncle malgré tout, et il voulait lui plaire, il avait peur qu’il les abandonne, sinon ! Alors il lui obéit. Je tremblais au point où Manson dût me droguer avec un aphrodisiaque et un anti-stress pour que je sois capable de faire ce qu’il voulait que je fasse. J’étais tellement gelé que je ne me rappelle même pas de ce qui s’est passé. C’est peut-être mieux comme ça. C’était le premier, mais pas le dernier. À partir de ce jour et à tous les jeudis, les jumeaux deviendraient animaux de parade. À douze ans, je ne me considérais plus humain, j’étais devenu un objet de désir.
Ça dura huit ans. Ça aurait pu durer toute ma vie.
Le comportement de Veldamir changea radicalement après le début de ces événements. D’un petit garçon souriant et enjoué, il devint renfermé. Il disait, parfois, faire des cauchemars la nuit, mais au lieu de trouver le réconfort dans les bras de son frère, il évitait complètement Belial. Ces deux-là, d’ailleurs, se parlaient à peine. C’était de ma faute. Je savais que Belle s’ennuyait de moi, mais je n’étais plus capable de le voir. Il cognait à ma porte, la nuit, parce qu’il n’arrivait pas à dormir. Il me suppliait de lui ouvrir. Je ne lui répondais même pas. J’attendais qu’il se taise et qu’il s’en aille. C’était comme ça, pendant presque deux ans.
Il finit par atteindre la maturité de comprendre ce qui lui arrivait. Manson, leur bon oncle, se servait d’eux. C’était un abus, pas un service. Ce n’était pas normal, de faire l’amour à son frère!Mais ils ne pouvaient plus dire non. Le refus les jetterait à la rue. À quatorze ans, sans argent, sans avoir jamais connu le monde hors de l’aristocratie, leur mort aurait été évidente. L’enfer, ou le néant. Je préférais l’enfer. Au moins, je pourrais y assouvir ma rage.
Je me rappelle, un soir, j’étais resté plus tard après la scène. Belle était venu me voir. Il s’était couché, la tête contre mon épaule, et s’était excusé. J’eus l’impression que, durant toutes ces années d’isolement, je l’avais fait sentir coupable pour ça. Je me promis, ce jour-là, de ne plus jamais le laisser seul. Ce n’était pas de la faute de mon frère si on était pris dans ce cauchemar. Il était autant une victime que moi.
Ils s’unirent à nouveau. Inséparables dans leur loyauté fraternelle pour l’autre et leur haine envers l’homme qui les avait trahis. Ils étaient plus forts, mais ils ne pouvaient toujours pas vaincre l’adversaire. Ils continuaient de plier, de prendre. Leurs corps étaient sous le contrôle de l’ennemi, mais l’esprit, au moins, était libre. Je connaissais des choses sur mon frère que je n’aurais jamais dû connaître. Je savais par quel angle je devais le prendre pour le faire jouir. J’avais vu son visage lors de l’orgasme. Je connaissais ses cris. Ses gémissements qu’ils feintaient.
J’appris des choses sur moi que j’aurais voulu ne jamais connaître.
Éventuellement, je n’avais plus besoin de stimulant pour faire le travail.
Son corps m’excitait.
Pathétique, n’est-ce pas?
Leur bourreau se trouva un allié qui les aimait. La foule.
Belial et Veldamir, après six ans de spectacle, avaient gagné le cœur de leur public. Assez déviants pour être intéressants, pas assez pervertis pour être dégoûtants. Ils étaient les préférés. Manson voulut vendre des services plus personnels. Mais nous y avons échappé, enfin, j’y ai. J’ai appris plus tard que Belle s’était sacrifié pour moi, qu’il avait dit à Manson qu’il accepterait en silence s’il me laissait hors de cela. Il savait que je refuserais. De l’amour. Du désir. C’était humain, terriblement laid.
Sauf que l’amour – le désir – des uns amène la haine des autres. Celle qu’ils avaient ramené était passionnée de jalousie. Elle était plus hideuse que la foule. Plus méprisable, plus traitresse que Manson. Le meilleur ami de leur oncle, l’homme aux dragons multicolores, enviait la popularité des jumeaux. Il voulait arracher sa fortune à Manson. Il nous sauva de notre enfer pour nous trainer dans le sien.
C’était un soir d’hiver, comme il y en avait eu huit autres. Notre prostitution incestueuse aurait pu durer toute notre vie, si ça n’était jamais arrivé. Si la rancune n’y avait jamais mis fin. N’avait-il pas compris, cet homme, que l’on détestait notre travail et, qu’à la moindre sortie, on se serait enfui vers la lumière? Peut-être qu’il nous haïssait trop pour nous permettre le repos. Le manoir dormait quand les voleurs vinrent dérober les perles. Le lendemain, les jumeaux avaient disparu.
Ce fut la fin du règne.
Je me réveillai dans une cellule vide de la présence rassurante de mon frère. Ça sentait une forme d’horreur à laquelle je n’étais pas habitué. La mort. Le sang. La haine les avait enfermés dans des cachots où, isolés, ils ne pouvaient que rêver d’une main amicale. Les murs, les sols, les barreaux étaient glaciaux. Tout était si sombre que Veldamir crut avoir perdu la vue.
Un homme finit par arriver. Il lui accrocha, au cou, une roue de métal. D’abord, j’avais l’air ridicule, ce qui est impardonnable… Mais surtout, le poids de l’objet me donnait d’horribles douleurs aux épaules. Déjà, la souffrance n’aidait pas à mon sommeil, mais dès que j’essayais de m’assoupir, cette saloperie m’empêchait de trouver une position confortable. Rapidement, je perdis notion des heures, avec la lumière qui dénigrait la prison de mes nuits blanches. Carencé de nourriture, arraché au repos, Veldamir était en train de devenir fou.
« — Où est Belle ?! hurla-t-il à ses capteurs. Où est mon frère! »
Il n’eut jamais de réponse, sauf quelques rires parfois étouffés de ses partenaires de geôle, qui s’amusaient à entendre ces cris répétés en boucle à tous les jours, parfois murmurés. Au début, j’appelais quand je voyais un des gardes passer, espérant une réponse. Au bout de quelques semaines, je pleurais à chaque fois qu’un frôlement de ce qui aurait pu ressembler à un bruit de pas résonnait dans mon oreille. Belle. Belle. Redonnez-moi mon frère. Si on était ensemble, on s’en sortirait. Si on était ensemble, on vaincrait, cette fois. Rendez-le-moi. Il n’avait plus de jugement, plus d’objectivité. La seule chose qui le rattachait à la vie, c’était de penser à sa bouée, son ange en enfer.
Séparés. J’avais besoin de toi.
Il y eut un reflet de lumière sur une lame rouillée, qu’il reconnut immédiatement comme une machette. Son geôlier n’avait jamais levé la main sur lui, avant cette fois-là. Il avait préféré le faire souffrir par famine, et par privation de sommeil. Il avait préféré la torture mentale à celle physique, mais ce jour-là, il avait décidé de mettre une fin décisive à la carrière de sa victime. On parle souvent de ça, pour en rire. C’est utilisé comme une exagération, une blague hyperbolique. Même moi je le fais. Mais on ne s’attend pas réellement à ce que ça vous arrive un jour, ou à ce que ça arrive à quelqu’un. Je peux vous le dire, ça fait plus mal, beaucoup plus mal que ce que l’on prétend, et la douleur physique est plus forte encore que la honte qui en suit. Mon esprit était trop perdu pour comprendre ce qui m’arrivait, de toute façon.
Je crois que je n’ai jamais autant hurlé de toute ma vie.
Après l’amputation forcée, il tomba au sol. Son corps commença des tremblements qui ne cessèrent pas avant plusieurs jours. On lui avait arraché ce qui faisait sa valeur. Ce qui faisait de lui un homme.
Et pourtant, ses larmes n’étaient pas pour sa fierté perdue.
Je me demandais, si à moi ils m’avaient enlevé ça, qu’est-ce qu’ils allaient faire à mon frère? Qu’est-ce qu’ils allaient faire à Belle, ma pierre précieuse, ma vie? C’était comme si, pour chaque soubresaut de douleur que j’éprouvais à essayer de bouger avec cette blessure à mon entre-jambe, j’avais une partie de moi qui souffrait pour la torture inconnue qu’ils faisaient à ma moitié. Je n’avais pas mal pour moi. J’avais mal pour lui.
Belle.
Belle…
Il avait passé une semaine à frapper lentement son front contre les barreaux de sa cage, alors qu’un gardien au visage condescendant passa devant lui. Ils aimaient se moquer de ma blessure. Peut-être qu’ils en avaient une trop petite et que, pour compenser, ils se comparaient avec un homme qui n’en avait plus du tout. Quand il répéta la question qui aimait tant embrasser ses lèvres, il eut sa première réelle réponse en trois ans.
« — Tu n’as plus de jumeau. » Mort?
Non.
Pas mon ange.
Le gardien n’eut pas le temps de regretter.
Les coups contre le métal devinrent violents. Son collier le fracassa d’une force telle que la pression les fit éclater. Veldamir pissait le sang. Sa gorge était écrasée, il pouvait à peine respirer. Il n’avait pas dormi depuis une semaine. Il était si mince que ses os auraient brisé au moindre coup. Mais sa rage était plus puissante que de l’adrénaline pure. Elle rendait ses os incassables, ses poings, meurtriers. La mort, le sang. C’était moi qui en teintait maintenant le cachot de l’odeur. Qu’est-ce qu’il y a de plus honteux que de mourir aux mains d’un homme qui n’a plus de virilité? Il parcourut les corridors, engloutissant dans sa furie folle tous ceux qui osaient se mettre sur son chemin. Tuer. Briser. Belle. Il n’est pas mort. Où est-il? Ne me mentez pas! Où est mon frère! Tu sais où il est! Arrête de dire le contraire! Vous voulez me l’arracher! Vous voulez m’empêcher de le retrouver! Une voix faible finit par l’informer qu’il était au deuxième étage. Au fond. Belle. Belle. On va être réunis à nouveau. Laisse-moi te retrouver. Ma perle. Mon ange. Mon…
C’était un massacre.
Belial avait eu le droit à une immense salle à lui seul, où même la faible lueur qui passait parfois à travers les fenêtres y était avortée. Ce fut un corps pendu tête en bas, comme un porc, que Veldamir retrouva. Il avait des crochets dans les chevilles. Il pissait le sang. Non, non! Il enleva un des points, mais c’était maladroit, il crut arracher un tendon. Le deuxième fut plus délicat. Il accueillit en son embrassade le corps presque inerte de Belial, si faible, qu’il tomba comme un cadavre. Chaud. Il était vivant. Il voulut le voir, lui dire qu’il lui avait manqué, qu’il était là, que tout allait bien aller, maintenant.
Il tourna son visage et ne reconnut pas son frère.
Ça ne lui ressemblait pas, ça ne ressemblait même plus à un humain.
Tu n’as plus de jumeau.
Il voulut pleurer, mais il n’était pas capable. Il était trop heureux de pouvoir le prendre dans ses bras.
Il souleva la carcasse vivante et la colla contre son torse. Il sentait un souffle vivant contre sa peau. Mais Belial ne bougeait pas. Il chercha la sortie, qu’il finit par trouver, et il sortit. Libres. Enfin. Ils ne l’avaient jamais été.
Dehors. Pas complètement, mais au moins, en partie. Assez pour qu'ils puissent survivre encore un peu. Il serra son frère contre lui, le souffle court :
« — Je suis là, Belle...»
Il ne pouvait pas lui répondre. Ses cicatrices étaient trop graves. Si j'avais su que la dernière fois que j'aurais pu entendre sa voix, c'était il y a trois ans, je l'aurais supplié de me parler toujours. Qu'il m'ait réveillé pendant la nuit pour me chanter à l'oreille. Belle, j'aurais voulu prendre ta place là-bas. Tu ne méritais pas ce qu'ils t'ont fait.
Sa peau nue était chaude contre la mienne... Je réalisai que j'aimais le contact. C'était terriblement rassurant. Je tremblai. J'avais besoin de plus. Je voulais le toucher de partout, je voulais son corps calé contre le mien jusqu'à ce que je sois certain qu'il soit réellement là. Belle, te rappelles-tu comment j'ai pleuré parce qu'on devait le faire et que ça me dégoûtait? Souviens-toi de moi comme ça. Je ne veux pas qu'on me colle à la peau ce désir malsain que j'éprouverais maintenant en te regardant. Je détachai son pantalon. Plus. Plus vite. Il agrippa ses mains à mes épaules, tenta de me repousser, visiblement confus.
« — Ça va aller... Ça va te faire du bien… »
Je savais que c'était mal. Chaque partie de mon corps me hurlait d'arrêter. J'aurais pu en vomir, même. Mais je ne voulais pas. J'en voulais plus. Je voulais sa chair en sueur sous mes doigts. Je voulais voir l’orgasme sur son visage. Je voulais entendre ses cris. La poigne sur ses vêtements s'affaiblit. Je pris ça pour du consentement. Je me retrouvai entre ses cuisses. Ses gémissements étouffés par ses cicatrices. Sa respiration rapide. Ses mains dans mes cheveux. Ses frissons. La sueur et le reste. Ma perle. Mon ange.
Mon amour.
J’étais tombé.
Ils passèrent une semaine à lutter pour que le froid ne les tue pas. Des soldats sylvestres finirent par les retrouver, pour finalement les livrer à des hommes de Manson qui les avaient reconnus. Je maudis nos sauveteurs. J’aurais voulu être seul avec lui, pour toujours, même si ça signifiait la mort, parce qu’on aurait été ensemble. Une autre semaine passa avant que leur oncle se décide à les voir.Les jumeaux ne l’avaient pas vu depuis trois ans. On avait mis des bandages sur le bas son visage abimé. J’aimais pouvoir être le seul à profiter du fantôme de sa beauté. On lui avait donné une canne pour ne pas qu’il chavire. J’aimais devoir l’aider à se déplacer. À se nourrir. À communiquer. J’aimais qu’il dépende de moi pour vivre. Les servants et leurs tuteurs les avaient accueillis avec larmes et caresses, mais leur oncle n’avait pas leur empathie. Il n’aimait pas son sang comme ceux-là aimaient leurs anciens maîtres. Après avoir vu leur obsolescence, Manson leur ordonna de disparaître. Il nous avait brisé et maintenant, il voulait nous jeter parce qu’il ne pouvait plus jouer avec nous. On avait tout fait pour lui, on lui avait tout donné, par peur qu’il nous abandonne. Mais Manson s’en moquait. Manson pensait argent. La vie humaine, ça n’avait aucune valeur. Et on venait de lui voler sa fortune. Ils auraient pu quitter ce lieu pour de bon, mais les employés leur offrirent de les garder clandestinement dans leurs quartiers.
Quelques jours plus tard, on annonçait la mort de Manson. Le testament n’avait pas été changé. Les jumeaux héritèrent de l’entreprise.
C’était le début d’un nouveau règne. Il était le roi. Je croyais que j’étais sa reine.
Mis sur le trône muet, infirme, jeune, inexpérimenté, défiguré, Belial n’avait rien d’un souverain. Mais on ne pouvait pas y mettre Veldamir. Amoureux, passionné, enragé, faible, débile. Ça aurait été la fin de l’Empire. Belial, pourtant, restait charismatique et puissant. L’homme en qui personne ne croyait devint rapidement le nouvel espoir du royaume. Il était tellement beau, je l’aimais encore plus. Je le voulais encore plus. Je n’avais plus de désir sexuel, évidemment, mais ses bras chauds me manquaient.
On n’avait pas vraiment fait l’amour depuis notre temps sur scène. Avais-je vraiment le droit de m’imposer à lui, comme ça? J’avais peur que Belle me rejette, comme il m’avait presque rejeté après l’évasion. Mon cœur me chantait que mon attirance était pure, mais ce qui me restait de rationnel me hurlait que c’était dégueulasse, qu’on s’était libéré de ça! Ah, mais qu’est-ce que la rationalité quand on aime? Faire l’amour, c’était beau, humain. C’était la forme ultime d’affection et de confiance. Et j’aimais mon frère.
Belial était devenu talentueux. Il avait perdu son mutisme en pratiquant la télépathie – cependant, il devait encore toucher à ses interlocuteurs pour communiquer. Il avait perdu sa laideur en la cachant. En effet, Veldamir lui avait acheté un masque blanc qui imitait des traits faciaux et qui cachait la partie défigurée. Le soir où je lui offris, c’est le soir où je parvins à vaincre mes peurs.
« — Je leur ai demandé de mouler mes traits. Il te va bien, complimenta Veldamir, il te ressemble. — C’est un cadeau qui me sera précieux, merci, Vel. »
J’aimais sa voix qui résonnait dans mon esprit. Ça rendait notre lien plus puissant, car il devait me toucher en plus pour qu’on puisse se parler. Le bureau était immense, rond, au sommet du manoir, donc insonorisé. Tout paraissait plaqué or. Au milieu, il y avait la chaise, le trône, où le monarque s’asseyait toujours pour recevoir les conviés. Je passai mes jambes par-dessus les siennes pour me retrouver installé sur lui. Je pouvais sentir que son corps s’emboîterait parfaitement dans le mien.
« — Qu’est-ce que tu fais? demanda-t-il. — Tu ne t’ennuies pas de nos années de spectacle, Belle? »
Une main dans son pantalon. Quelques secondes, il se tendait déjà entre mes doigts. Je savais exactement comment le faire réagir. Belial ne répondit pas. Il n’y avait ni désir, ni dégoût dans ses yeux. Il n’y avait rien. Je pris ça pour du consentement.
Je le libérai de son pantalon. Je retirai le mien. Je me préparai rapidement – je le voulais maintenant! – et m’empalai presque immédiatement sur lui.
J’avais mon frère jumeau en moi.
Et ça me plaisait.
Même aujourd’hui, je ne mentirai pas, je crois que c’est le moment de ma vie où j’ai été le plus satisfait. Ce minuscule espace-temps où je ressentais à peine du plaisir physique. Mon âme était en orgasme.
Mon âme, à lui elle fut immolée, à l’instant où il vint au plus profond de ma chair.
Ce fut la première d’une longue série de fois. Libres des spectacles, les voilà qui pratiquaient en secret. Plus personne ne les désirait, mais eux, ils se désiraient entre eux. Du moins, Veldamir désirait Belial. Pour ce qui est de l’inverse, nous ne savons pas. Une chose était certaine, ils étaient plus déviants qu’ils ne l’avaient jamais été.
Belle testait ma loyauté lors de nos rapports intimes. Il me faisait l’amour pendant qu’il parlait à travers la porte, m’obligeant à tuer mes cris dans une morsure profonde. Il m’ordonnait, parfois, de le prendre en bouche sous le bureau alors qu’il rencontrait d’autres aristocrates. Il me demandait toutes sortes de choses plus vulgaires les unes que les autres. J’obéissais. Je l’aimais! Je voulais le satisfaire.
Je croyais être sa reine. J’étais sa pute.
Et ça me plaisait…
Sa pute, peut-être plus son objet. Il n’y avait pas qu’au lit que Veldamir se soumettait. Au travail aussi. Comme il était loyal, il acceptait docilement des ordres qu’aucun des autres employés de Belial n’aurait accepté.
D’abord, il y avait la drogue. Belial fabriquait de nouveaux produits avec les parties désuètes de sa collection. Comme il n’avait pas réellement de cobaye qu’il pouvait se permettre de perdre, il utilisait son frère comme sujet. Il y eut clairement des overdoses, des bad-trips, ce qui aurait fait fuir n’importe quel homme auparavant consentent au traitement. Mais Belial n’avait même pas besoin de demander à son aîné pour l’intoxiquer. Les drogues le rendaient plus faible, encore plus enclin à obéir. Plus amoureux.
Ensuite, il y avait quelque chose qui ressemblait à de la prostitution. Belial aimait collectionner des êtres vivants. Politiciens renommés, héros de guerre, danseurs célèbres, animaux fantastiques, la liste était longue. Il ne pouvait pas seulement emprisonner ces gens, il fallait les appâter. Alors, il envoyait son frère sur le terrain. Avec son visage doux et ses manières nobles, Veldamir charmait presque tous ceux qu’il devait. Généralement, ça restait dans le domaine de l’amitié, ou de l’attirance, et il pouvait trainer sa victime jusqu’à sa cage en quelques jours voire quelques heures. Parfois, c’était plus difficile. Chez certains, je ne pouvais être appât que s’ils tombaient amoureux de moi. Je me suis donc retrouvé à offrir des faveurs sexuelles à des hommes et des femmes, à la demande de Belle, parce que ça les rendait plus à ma merci. Mon corps nu et mutilé restait cependant réservé à mon frère, comme la possibilité de me prendre. J’aimais lui être exclusif.
Finalement, peut-être le plus horrible de tous, un miroir entre le deuxième point et les pratiques de Manson. Parce que certaines pièces de collection étaient des enfants. Il fallait gagner leur confiance, aussi.
Je savais qu’il y en avait parmi eux qui finiraient esclaves comme nous l’avions été.
Je n’avais aucun regret. J’aurais tout fait pour lui.
J’étais malade terminal d’amour.
Mon seul symptôme, c’était par ma loyauté envers lui.
Parce qu’ils passèrent près de deux siècles dans l’ombre, et plus les ténèbres grandissaient, plus il était difficile d’y voir. Belial prenait d’autres femmes dans sa chambre. Veldamir avait ceux qu’il appâtait. Puis, ils étaient des jumeaux. Quels jumeaux ne sont pas inséparables? Leurs comportements presque révélateurs étaient ainsi facilement excusés. Ça faisait mal de rester cachés.
« — Belle, est-ce que, un jour, tu crois qu’on pourrait leur dire? — Vel, notre relation ne sera jamais acceptée. Tu n’as pas envie qu’ils nous séparent, pas vrai ? — Non! Tout sauf ça… — Je t’aime. — Moi aussi, mon amour. »
Ça faisait moins mal que de le perdre.
Ils étaient devenus parfaits à réduire les preuves en cendre. Personne ne les aurait jamais découverts, s’il n’y avait jamais eu de témoins oculaires. Car l’excellence à dissimuler les preuves devient faible quand quelqu’un se retrouve avec le pouvoir de tout révéler dans ses mains.
Le mal de le perdre. J’allais apprendre ce que c’était.
On était sur le point de finir, quand elle ouvra la porte. Mon cœur explosa. Il y avait un incendie dans mon paradis. Comment une inconnue osait-elle entrer dans notre monde à nous? Belle, impulsif, me balança violemment sur le plancher, avant de se rhabiller. Non. Non! C’était impossible, ça ne pouvait pas se terminer comme ça. Il allait se débarrasser d’elle… Les choses allaient redevenir comme elles étaient. Je ne voulais pas le perdre. Je ne voulais pas le perdre! Ça aurait pu être une servante, mais c’était une aristocrate. Trop noble pour que son silence ne soit pas remarqué. Je voyais dans ses yeux que c’était fini. C’était un cauchemar. Redonnez-moi mon frère, rendez-moi mon amant.
Deux-cents ans détruits en l’espace de dix secondes.
Il y avait une partie de moi qui était morte avec ça. Une partie toxique, qui avait grandi comme une tumeur pendant tout ce temps. J’étais sur la voie de la guérison.
Les rumeurs commencèrent à courir. Les jumeaux incestueux! Ce n’était pas un rôle, c’était la réalité! Répugnant. Dégueulasse. Monstrueux. Quand les premières insultes vinrent à mes oreilles, j’étais dévasté. Comment pouvait-on juger mon si bel amour comme ça? Comment est-ce qu’ils osaient se moquer d’un mort? Ils ne pouvaient plus mentir sur leurs relations physiques, mais Belial avait trouvé un moyen de se sauver, lui. Et de m’abandonner, moi.
Il me dit qu’il allait m’accuser de viol. Que c’était la seule façon qu’il avait trouvé pour garder le pouvoir. J’étais déchiré. Pour la première fois de ma vie, j’avais envie de lui dire non. Je ne voulais pas qu’il profane encore plus le nom de nos sentiments. Répugnant, dégueulasse, peut-être. Peu importe ce que ces mécréants en pensaient! Mais tâcher notre amour du mot viol? Ça m’horrifiait.
Mais je l’aimais, et si c’était la dernière fois que je pouvais le prouver, alors je deviendrais démon.
Veldamir fut verrouillé, pour la deuxième fois de sa vie, sous des barreaux. On lui retira le droit d’assister à son tribunal. Les nobles amis de Belial faisaient semblant de le haïr. Les employés, certains, le détestaient vraiment. Leurs vieux tuteurs, leurs anciennes servantes, ceux qui les avaient aimés, cultivaient en eux une rage profonde envers celui qui avait brisé leur élève préféré. Le frère incestueux. Il finit par recevoir une visite de son cadet après une semaine d’attente. Le verdict.
« — Vel, je suis désolé. »
Condamné à mort ! La haine et le dégoût envers le supposé violeur avaient été trop violents. Il avait été jugé, dans ce petit état qu’était la collection, cette aristocratie qui possédait son propre système de justice, que le châtiment le plus juste était la peine capitale.
Je ne dormais plus, parce que chaque seconde que je pouvais passer éveillé me permettait de me rappeler un peu plus de son visage avant ma mort. Mourir? Je ne pouvais pas vivre sans Belle, alors peu importe. Une semaine s’écoula avant l’exécution. Vraiment? Il y avait une voix, dans ma tête, une voix que j’avais oubliée, qui me hurlait : « Je veux vivre ! » Je ne reconnaissais pas la voix, au début, mais plus je passai de temps sans sommeil, à me rappeler de chaque forme du corps de mon frère, je finis par savoir qui elle était. La voix, je la connaissais. Elle me suivait depuis toujours, mais je l’avais étouffée pour pardonner mon désir insensé. Cette voix.
C’était la mienne.
Ce fut au début d’un matin de printemps qu’on le tira de sa cellule. Le soleil enflammait les vagues et illuminait la côte. Ça sentait la mer qui embrassait la côte, l’herbe qui venait de naître après l’hiver. On entendait les oiseaux qui revenaient nicher. Le vent faisait danser les foins orangés comme des flammes dans le ciel de mi-mai. C’était un beau jour pour mourir.
Il fut décidé qu’il soit jeté dans la mer, une lourde pierre accrochée au pied. Ce choix fut fait car, hybride de naïade et d’homme, Veldamir pouvait maintenir son souffle sous l’eau plus longtemps qu’un humain, sans pour autant y respirer. Le supplice serait ainsi plus long.
Belle me regardait de haut alors qu’on attachait mon pied à la chaîne.
« — Tu ne pouvais pas me sauver ? »
Il y eut un éclat de sincérité qui éclaira son regard et, dans son dialecte extrêmement intime, il me répondit doux comme une chanson.
« — Tu m’es inutile, Veldamir. Te garder à mes côtés m’apporte plus de désavantages que d’avantages, à ce point. Je suis désolé. »
Je veux vivre, pour toi. Je me rendrai utile. Je serai fort, tu verras.
On le balança en bas de la falaise.
La plongée fut douloureuse. La jambe attachée brisa à cause du poids, et il n’en sentit point de souffrance, car le choc était trop puissant. Le bruit des oiseaux, le vent, le soleil, tout décéda lors de l’entrée dans l’eau. C’était un monde froid, noir, silencieux, où la seule musique était celle du rythme cardiaque accélérant de Veldamir. C’est alors que je réalisai que j’allais mourir, parce que tout autour de moi était mort. Il commença à s’agiter pour se libérer de la chaîne. Je veux vivre, pour Belle! Je ne voulais pas mourir alors qu’il était en vie! C’était la voix du désir qui s’était emparée du discours de l’individu. J’avais besoin de lui, d’être à ses côtés! Je ne mourrai pas alors qu’il était vivant! Je veux vivre, pour lui! Avec lui. Je veux vivre. Je veux vivre. Je veux vivre!
Un animal attaché qui aspire à la liberté, ça ne se contente pas de pleurer. Ça mord, ça déchire, ça sévit, jusqu’à ce que la patte prise au piège se sépare du corps. Un sacrifice pour un bien.
J’ai utilisé mes dents et une roche pointue qui reposait au sol. Ça prit du temps. La perte de sang me rendait encore plus faible. Mais je voulais vivre.
Il fut avalé par des rapides, puis rejeté contre le bord d’une baie. Vivant. Pas complètement, juste en partie. Il fixait le ciel bleu azur en s’imaginant sa mort à venir. Il avait survécu à la noyade. Il ne survivrait pas à la blessure de sa liberté. Parce que j’étais seul, cette fois. Libre, sauvé, mais seul. J’étais faible, seul.
Heureusement, un moine qui se dirigeait vers son monastère le retrouva et le ramena à la santé. Il n’avait pas assez de talent de magie blanche pour lui redonner sa jambe, mais il fut capable de faire coaguler le sang. Il s’appelait Sorvali, et il montra à Veldamir la vie d’un moine.
Ça m’a sauvé. Le monastère était le dernier de la croyance albéenne. C’était une vieille religion, datant du moment où les dragons avaient été emprisonnés, qui vénérait la source de la magie blanche, qui vénérait l’existence humaine, l’amour, le vrai, celui qui fait vivre l’homme. Elle expliquait que, à l’intérieur de chaque être né sous la magie blanche, vivait un morceau du divin qu’il fallait protéger.
Il dut apprendre quelques sorts de magie blanche sous la tutelle des moines. En parallèle, il s’entraînait au combat avec les villageois voisins, ce qui ralentissait sa progression monastique. Je voulais me faire fort. Je voulais me faire utile. Je voulais retourner dans ses bras. Je n’étais pas sauvé, encore. Au bout de quelques années, il était devenu religieux digne de ce nom. Chaque jour, il se permettait d’oublier peu à peu le portrait de l’amant qui l’avait trahi.
Évidemment, comme chaque religion, il y avait des côtés négatifs : un dédain profond de ceux qui ne pouvaient utiliser la sainte magie, une obsession compulsive de garder les êtres, même les souffrants, en vie, et surtout, une politique sur la reproduction. Ce qui me sauva. Il était interdit d’avoir une relation amoureuse non-féconde.
Je comprends aujourd’hui que ces règlements sont stupides. Enfin, aujourd’hui, je suis plutôt détaché de ces enseignements même si j’en garde le nom. Il n’y a pas une forme de magie supérieure à une autre. La mort est aussi belle que la vie, et l’interdiction d’un mariage stérile est simplement ridicule. Est-ce que cela signifiait que les hybrides devaient se refuser à l’amour? Évidemment, non. Mais ça me sauva. Ce fut la première fois que je combattais réellement mon désir, que je permettais à ma voix de s’exprimer. J’étais sauvé, guéri.J’étais moi-même à nouveau. C’est difficile de se reconnaître quand ça fait deux-cent ans qu’on porte le masque d’un autre. C’est après qu’il rencontra sa nouvelle famille. Un groupe de mercenaires qui traversait le village se retrouva à faire la joute contre lui. Ils le trouvèrent fort et l’amenèrent avec eux. Il ne devint pas l’un des leurs, il était leur phare religieux. Avec eux, j’appris ce qu’était le vrai amour. Ce n’est pas une montagne de cadeaux qui n’en finit plus, ce n’est pas un corps nu qui laisse un goût amer, ce n’est pas une loyauté sans faille, non, l’amour, c’est de vouloir rendre l’autre heureux sans jamais oublier son propre bonheur. Vingt ans se sont écoulés depuis que Veldamir a été adopté. Ce sont mes frères, mes sœurs. Des vrais. Ils me protègent alors qu’ils savent que je sais me battre. Ils rient de moi comme je sais rire d’eux. Ils m’appellent leur Eunuque, ce qui est extrêmement méchant, mais j’adore ça. Je les adore.
Quand je ferme les yeux, j’entends un souffle qui me murmure : « Veldamir, Belle savait que tu allais survivre à la chute, c’est pour cela qu’il a choisi ce châtiment, il voulait que tu puisses vivre. Il t’aime toujours. » Mais mon frère ne m’aime pas. Mon frère ne m’a jamais aimé. Mon frère est un serpent à l’esprit de Manson.
Et pourtant, j’ai beau essayer de le tuer, mon espoir ne veut pas mourir.
∞ Aspect social
Veldamir est un homme de passage à Argos. Simple voyageur, il suit le groupe de mercenaires auquel il est affilié sans pour autant lui-même se battre. Il aimerait essayer de rentrer à l’Académie pendant que ses compagnons se cherchent du travail dans la métropole. Son prestige d’être l’un des derniers moines albéen pourrait l’aider. Veldamir a un frère jumeau, nommé Belial, qui est sa dernière parenté. Il ne présente pas de vrai intérêt à revenir en contact avec lui. En fait, s’il pouvait l’éviter, il serait très heureux. Veldamir parle un peu d’enochian, de sylvestre, d’angélique et aussi quelques mots d’ancien angélique. Il vit à la solde de ses mercenaires. Sa situation financière dépend donc de la leur! Il tente parfois d’entrer dans des relations amoureuses, mais il a beaucoup de difficulté à les maintenir. Il est pansexuel, mais à cause de son handicap physique, il prétend qu’il serait probablement impossible de rester en couple avec une femme. Étranger, il connaît peu de choses sur la situation politique des dragons, mais il croit que la barrière est soit assez forte pour tenir encore, soit qu’il est très possible de la reconstruire. Il a confiance en la puissance de la magie blanche. Il a appris la magie blanche grâce aux moines et la magie élémentaire grâce à ses tuteurs.
Sheesh man ye ARE old. But not THAT old either. Now, about yer prez...
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So yeah! The weather, here, is nice. Tho we can see that winter is coming, but ye know what? That's fine. Cause I like fall. The leave have started to turn orange. Like my hair! Fall is the time where my hair becomes idolized by nature. That's cool. And winter is fun. Ye can have snowball fights, build snowman... OH GOSH! I bet the lass never get to do those things! It will be super fun!!
Hum-hum!
So...
What we're we talking about...?
Oh yeah! Yer prez!
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...
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... Alright well, Life is a bitch isn't? And we all went crazy because of it, right...? Heh... Heh...
Whatever. Ye're validated man.
Messages : 56 Date d'inscription : 01/05/2017 Localisation : À Siwa avec la famille right now
Académicien
Sujet: Re: The one with the feelings Jeu 12 Oct - 12:24